La recette pour 8000 détenus en moins ? De la poudre de perlimpinpin !

La recette pour 8000 détenus en moins ? De la poudre de perlimpinpin !

19 septembre 2018 Non Par CGT Pénitentiaire

Lors  de la présentation du plan prison au Conseil des Ministres, le 12 septembre 2018, la Ministre de la Justice indique que son projet de loi entend « redonner du sens à la peine ». La politique pénale qui sera donc menée doit baisser de 8 000 le nombre de détenus.

 

Mais alors, pourquoi créer 7 000 nouvelles places de prisons d’ici 2022 ? La Ministre répondra sans doute que c’est pour atteindre l’encellulement individuel. En effet, il y a 70 519 détenus au 1er août 2018 pour 59 870 places opérationnelles.

 

Certes, mais pourquoi alors en engager 8 000 en plus des 7 000, dès ce quinquennat ? Au-delà des discours schizophréniques et malgré une communication soignée mais truquée, tout ceci ne doit pas masquer que le projet de loi soumis au Sénat à l’automne produira l’inverse parfait.

 

En effet, les mesures proposées qui devraient favoriser le prononcé d’alternatives à l’emprisonnement ne sont en fait que le rabâchage d’affirmations déjà contenues dans la loi, et qui pourtant ne fonctionne pas : « la prison est la dernière solution, les juridictions doivent d’abord envisager une alternative, mais aussi privilégier l’aménagement immédiat des peines ». Tout cela figure déjà dans le droit français, le projet de loi n’apporte rien de plus.

 

A contrario, le projet de loi contient les germes de nouvelles propositions qui, elles, conduiront à davantage de détenus dans nos prisons. Quelques exemples :

 

  • Dorénavant, sans aucune exigence, une juridiction qui prononcera un ajournement aux fins d’investigation sur la personnalité pourra placer la personne en détention provisoire. Avec 30 % des détenus placés en détention provisoire, faut-il vraiment ouvrir une voie supplémentaire ?

 

  • La Ministre voudrait nous faire croire que l’aménagement des peines d’emprisonnement sera une priorité, pourtant, le principe actuel selon lequel les peines jusqu’à deux ans d’emprisonnement ont vocation à être aménagées est remis en cause : Dorénavant, toute personne condamnée à plus d’une année d’emprisonnement et sortie libre du tribunal ira en prison. Contre deux ans aujourd’hui. De nombreux professionnels estiment que ça ouvre mécaniquement la voie à plus d’incarcérations.

 

  • Dorénavant, le tribunal correctionnel qui prononce une peine de six mois à un an d’emprisonnement pourra exclure formellement tout aménagement en ordonnant un « mandat de dépôt différé ». Une nouvelle voie qui facilitera l’emprisonnement : non seulement les seuils habituels du mandat de dépôt dans les audiences correctionnelles classiques sautent, mais tout se fera sans bruit. Le tribunal n’aura plus à assumer la violence de l’emprisonnement immédiat – l’émotion des proches, l’interpellation à la barre par les policiers – mais l’incarcération sera inéluctable. Cachez cet emprisonnement que je ne saurais voir !

 

  • De 0 à 1 mois, les peines seraient interdites ? Environ 10 000 peines de moins d’un mois sont prononcées chaque année mais la plupart sont déjà converties en peines alternatives. Les prisons comptent actuellement un peu moins de 300 personnes purgeant une peine de moins d’un mois. Par ailleurs, la voie s’ouvre à une condamnation de deux mois !

 

Au-delà qu’il engloutit à lui seul le budget Justice et ses hausses, sur le dos des personnels et de leurs conditions de travail, ce plan qui acte 15 000 nouvelles places, en deux quinquennats (dont 7000 d’ici à 2022), démontrent bien que la logique du tout carcéral est poursuivie et que les exercices de contorsion en mathématique, malgré leur communication habile, ne sont que mensonges d’État !

 

La Ministre n’a rien retenu : ni les constats partagés par les organisations syndicales et professionnelles (plus on construit, plus on remplit), ni les propositions que nous portons, aux fins d’une véritable rupture qui permettent de s’attaquer sérieusement à la surpopulation pénale.

 

 

Montreuil, le 19 septembre 2018.

 Tract National CGT Pénitentiaire – 8000 détenus de moins