Les surveillants ne sont pas des auxiliaires de psychiatrie

Les surveillants ne sont pas des auxiliaires de psychiatrie

2 décembre 2019 Non Par CGT Pénitentiaire

Au fil de dérapages sécuritaires, d’un « besoin » de réponse pénale pour les victimes ou tout simplement à cause d’un manque de lits en psychiatrie, la prison d’aujourd’hui semble être devenue l’asile d’antan ou le fourre-tout pour ne pas exposer davantage la société.

Les avis du CGLPL (Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté) d’octobre 2019 relatifs à la prise en charge des personnes détenues atteintes de troubles mentaux rendent un état des lieux implacables : Selon le CGLPL, les études qui datent de 2007, montrent que 8 détenus masculins sur 10 souffrent d’au moins un trouble psychiatrique et, parmi eux, 24 % souffrent d’un trouble psychotique. 42 % des hommes et la moitié des femmes incarcérés en métropole ont des antécédents psychiatriques, personnels et familiaux d’une gravité manifeste. 40 % des hommes et 60 % des femmes détenus présenteraient un risque suicidaire !

Une étude plus récente sur la santé mentale de la population carcérale du Nord-Pas-de-Calais, conduite entre 2015 et 2017, a confirmé ces données et mis en lumière des comorbidités (association de deux maladies, psychiques et physiques, fréquemment observée dans une population)  très fréquentes, puisque 45 % des arrivants en détention présenteraient au moins deux troubles psychiatriques et plus de 18 %, au moins quatre troubles !

C’est dans cet embrouillamini professionnel qu’exercent les personnels pénitentiaires, chargés d’être à la fois, des experts en surveillance, en sécurité, détecteurs de radicalisation islamiste, de prévention du suicide, experts en courte peine, en longues peines, en jeune détenu, en escorte et transfert…et donc, leur demande-t-on, en psychiatrie !

La CGT Pénitentiaire ainsi que d’autres acteurs, demandent depuis des années, une amélioration de la connaissance des pathologies chez les personnes détenues, en l’orientant vers la recherche d’une prise en charge adaptée et la définition d’une politique de soins.

Le chantier est immense, il semblerait que la ministre souhaite s’y attaquer en 2020 par la mise en place de deux études sur la prévalence des troubles mentaux. Ce travail, qui répond également à la demande du CGLPL, sera mené pendant :

  • trois ans s’agissant d’une recherche pour évaluer la prévalence des pathologies mentales et des comorbidités chez les détenus au moment de l’entrée en détention ;
  • deux ans, s’agissant d’une étude sur la prévalence des troubles mentaux parmi les courtes peines et sur l’évaluation du parcours de santé mentale à la sortie de prison.

La plupart des avis émis par le CGLPL sur la question de la psychiatrie, est partagée par la CGT Pénitentiaire, que ce soit sur le réexamen des dispositions relatives à la responsabilité pénale car chacun sait que la crise profonde traversée par l’expertise psychiatrique en France, conduit à incarcérer des personnes dont la santé mentale justifierait une prise en charge spécifique (rapport parlementaire de mars 2018). Que ce soit sur l’accès aux soins des détenus atteints de troubles mentaux ou que ce soit sur l’insuffisance du nombre d’unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA), de personnels de santé, etc.

Enfin, la CGT Pénitentiaire insiste, avec le CGPL, sur la nécessité de formation, élémentaire à la détection et à la gestion des troubles mentaux de la population pénale par les personnels de surveillance. La ministre semble y adhérer également. Cependant, la CGT Pénitentiaire souligne que cela doit s’accompagner de moyens à la hauteur des besoins. Il n’est pas acceptable que comme à son habitude, les « programmes de formation » se transforment en action de sensibilisation, et encore quand elles ne sont pas mises aux oubliettes !

Par ailleurs, la CGT Pénitentiaire s’indigne de l’absence de concertation pour la mise en œuvre des études à mener et pour les actions de sensibilisation. Comme d’habitude, tout se fait sans les personnels et leurs syndicats, à l’inverse de ce qui est affirmé dans les différents rapports.

Enfin, il faut des agents en nombre suffisant, mieux formés et mieux payés pour mener toute action. La prolongation de la date d’inscription au dernier concours de surveillant, faute de candidats, le faible taux de participants lors épreuves des concours et tout bonnement la fuite de la pénitentiaire de la part des collègues, indiquent un manque d’attractivité des métiers de la pénitentiaire. Ils rendent peu optimistes sur tous ces défis à relever.

Ce n’est pas grave, la Ministre et le DAP sont satisfaits de leur politique !!!

Montreuil, le 02 décembre 2019.