Et si on commençait à parler des jours d’après dans l’AP ?

Et si on commençait à parler des jours d’après dans l’AP ?

19 mai 2020 Non Par CGT Pénitentiaire

Depuis le mois de février de cette année, le pays vit au rythme d’un ennemi invisible, le COVID 19. Après une longue phase de confinement, amenant les concitoyens à fortement limiter leur déplacement, l’heure est aujourd’hui au déconfinement progressif de toute la population. Les établissements pénitentiaires n’ont malheureusement pas été épargnés et le virus s’est lui aussi invité progressivement dans nos détentions.

Après une période de flottement de près de 3 semaines au sein de l’administration pénitentiaire, il aura fallu attendre le début du mois d’avril pour que le matériel de protection sanitaire individuelle, tant attendu par le personnel, arrive progressivement dans nos établissements permettant enfin de protéger les agents. Seulement, les stocks étant insuffisants, l’ensemble des personnels n’a pu jouir de cette protection. C’était inadmissible !!!

Cet épisode est caractéristique du fonctionnement douteux de l’administration pénitentiaire et du ministère de la Justice dans la gestion de cette crise sanitaire. C’est d’ailleurs en ce sens que dès le 27 mars, la CGT Pénitentiaire avait saisi son conseil afin de porter plainte, devant la Cour de Justice de la République contre le 1er Ministre et Nicole Belloubet, Ministre de la Justice.

La CGT PénitentiaireCependant, toutes les mesures prises lors de cette période ne sont pas bonnes à jeter. Nous en voulons pour preuve avec la baisse substantielle de la surpopulation pénale dans nos établissements selon les chiffres annoncés par le ministère : 13500 détenus en moins sur les 72500 avant la crise. Un tel effort n’avait jamais été aussi consenti et l’impact sur la qualité de vie au travail des personnels pénitentiaires et la qualité de vie en détention s’en est fortement ressenti. Pour autant, le déconfinement ne doit pas être un retour à l’incarcération massive et revenir à des situations critiques de surpopulation pénale.

Certes, du chemin reste encore à faire, car une forte disparité existe sur nos établissements pénitentiaires. Mais soyons honnêtes, on parle là d’une baisse inédite de la population pénale.

La CGT Pénitentiaire n’a eu de cesse de mettre en avant un changement drastique de politique pénale afin d’endiguer ce fléau qui touche nos structures depuis des décennies, et en quelques mois, l’application d’une telle mesure nous démontre enfin que cela est possible et qu’elle a de fortes incidences sur le quotidien des personnels.

Il est donc grand temps que les mentalités changent et que ce gouvernement prenne enfin conscience des dégâts provoqués par les politiques libérales qui n’ont fait qu’accentuer la casse de la solidarité et fragiliser de plus en plus de personnes, démontrant ainsi une incapacité à gérer les difficultés sociales autrement qu’en utilisant la sanction pénale.

La CGT Pénitentiaire le dit et le redit : « Il faut condamner moins, pour condamner mieux, car la question de la peine n’est pas celle de son quantum, mais surtout celle de sa finalité ». Il ne faut donc plus faire de l’incarcération la référence, mais favoriser la réparation à la sanction.

Depuis des années, la CGT Pénitentiaire réfute l’idée de combattre la surpopulation pénale par de grands plans de construction massifs, amenant le parc pénitentiaire à augmenter sa capacité d’accueil, car l’histoire parle d’elle-même :

« Plus on construit, plus on incarcère », telle est la réalité !

Il faut donc à tout prix sortir de ces vieilles recettes qui nous amènent aux mêmes conséquences. Et ces deux derniers mois en sont la preuve vivante ! Avec un peu d’ambition et en sortant des idées reçues véhiculées par certains, on peut faire baisser drastiquement la surpopulation pénale sans mettre en danger la société.

Tout l’enjeu maintenant, dans les jours et mois à venir, est de s’appuyer sur ces acquis en favorisant les alternatives à l’incarcération et les aménagements de peines afin de prévenir une nouvelle augmentation, mais surtout afin de réduire encore un peu plus, l’impact de la surpopulation pénale dans nos prisons.

Un premier pas vient d’être fait, il serait incompréhensible que les pouvoirs publics n’en tirent aucun enseignement !

La CGT PénitentiaireCar oui, la politique pénale de ces dernières années n’a cessé de peser sur la gestion quotidienne de la détention et sur la capacité des personnels pénitentiaires à travailler dignement, en toute sécurité, autour d’un véritable métier évoluant vers la participation et la mobilisation des acteurs autours des projets de sorties des personnes détenues. C’est d’ailleurs en ce sens, et dans le prolongement de cette évolution métier, tant souhaité par la CGT Pénitentiaire, qui réaffirme avec force la place centrale du surveillant en détention, que l’accession en catégorie B pour les personnels du Corps d’Encadrement et d’Application (CEA) n’en deviendrait que légitime.

Cependant, tous ces changements ne peuvent passer que par un dialogue social de qualité au sein de l’administration pénitentiaire. Et sur ce point, on en est actuellement extrêmement loin. L’administration pénitentiaire n’a souhaité aucunement discuter des mesures de confinement avec les organisations syndicales représentatives. Il en a été de même sur les mesures de déconfinement !

Sur ce point aussi, l’administration doit en tirer tous les enseignements et commencer dès à présent, à rassembler les différents acteurs, afin de mettre en œuvre rapidement un réel plan d’action pour le devenir de la profession et des professionnels.

Il y a eu un avant et un pendant COVID-19, il y aura forcément un après !!!

À Montreuil, le 19 mai 2020.